Qui dit transformation digitale dit accompagnement au changement. Vraiment ? Jean-Luc Dagron, Partner au sein du cabinet Talisker Consulting, expose sa vision du management de demain. Portrait de la DSI 3.0.
Quelle est votre définition de l’accompagnement au changement ?
Jean-Luc Dagron : Pour nous, chez Talisker Consulting, cette expression est lessivée et le sujet ne s’exprime plus en ces termes. S’agit-il d’une transformation globale de l’entreprise ? De simples formations à mener ? De réunions internes à organiser ? Le terme recouvre trop de réalités différentes. Au travers de nos expériences sur le terrain, nous avons acquis la conviction que la conduite du changement n’existe plus. D’une part, le changement ne se décrète pas. D’autre part, les organisations ont longtemps cru qu’il fallait un avant et un après entre deux états stables. Or, le marché et la transformation numérique balayent cette notion d’état stable. C’est une mutation totale du marché qui oblige à évoluer en permanence. Les rythmes s’accélèrent de façon exponentielle. Les roadmaps sur cinq ans ne sont plus possibles dans ce contexte.
En quoi cette transformation continue oblige-t-elle à repenser le management ?
Plus que le management, c’est la culture managériale qui doit évoluer. L’idéal consiste à aller vers davantage d’autonomie des collaborateurs en abandonnant le « comment ? » au profit du « pourquoi ? ». Pour le dire autrement, la vieille méthode tayloriste qui consistait à dire à tel ouvrier de fixer tel boulon doit être écartée. Il faut expliquer aux équipes ce qu’elles font et pourquoi elles le font. Donner du sens pour laisser aux collaborateurs la capacité de créer leur propre environnement de travail, leur propre méthode et soutenir leurs solutions.
Il faut expliquer aux équipes ce qu’elles font et pourquoi elles le font.
Est-ce à dire qu’il faudrait tendre vers le modèle de l’entreprise libérée ?
Il y a de quoi s’en inspirer bien sûr, mais pour nous, le rôle du manager est plus que jamais primordial ; il doit quitter ses reportings et ses contrôles. Il a désormais pour mission de créer un contexte, et des objectifs clairs, pour laisser les collaborateurs libres dans leur travail. La transformation ne peut être acceptée et lancée que si elle est comprise.
Les DSI ont-ils pris la mesure de ce changement managérial ?
Les DSI sont face à un véritable paradoxe aujourd’hui. Leur mission a toujours été de créer le changement dans l’entreprise (via les applications, les postes de travail…). Or, elles ont, pour leur part, du mal à remettre en cause les paradigmes du SI historique. Pour répondre aux attentes de qualité de service, dans les années 1990, elles ont construit des « usines » complexes et assez rigides. Difficile pour elles de s’en détacher aujourd’hui. Et comment leur en vouloir ? Qui serait prêt à abandonner son vieil ERP, mis en place dans la douleur ? La pression de transformation impose de garder le « pourquoi » du changement comme boussole plutôt que les solutions initialement prévues.
le #management et la posture comme clef de toutes les situations d’entreprise pic.twitter.com/KXFXQndfcH
— Talisker Consulting (@TaliskerC) 22 août 2016
Et que dire des nouveaux modes de travail ?
Les flex offices et home offices (ou télétravail) sont emblématiques de cette liberté et de cette confiance donnée aux équipes. Peu importe où et quand le collaborateur effectue son travail. Les outils du digital workspace et de la collaboration à distance permettent aujourd’hui ce changement. Quant au vieux réflexe « rien ne remplace le contact humain », il révèle davantage une résistance qu’une réalité : il n’y a rien de plus simple qu’un Skype pour échanger.
Un développeur n’est pas dans l’entreprise pour faire du Java. Il est là pour aider l’utilisateur à faire son travail, à vendre, à communiquer, etc.
À côté, apparaissent des formes de coworking et de corpoworking qui matérialisent l’évolution de l’équipe à la tribu. Au lieu d’une seule et unique équipe, un individu appartient à plusieurs « tribus » en fonction des projets et de ses centres d’intérêts. Ainsi, il faudrait limiter le travail des experts uniquement entre eux. Un développeur n’est pas dans l’entreprise pour faire du Java. Il est là pour aider l’utilisateur à faire son travail, à vendre, à communiquer, etc. Autant le faire travailler aux côtés de cet utilisateur, et le faire échanger avec des clients finaux.
Est-ce que ces transformations ont aussi des impacts sur les fournisseurs ? Après tout, beaucoup d’organisations entrent aujourd’hui dans une logique d’entreprise étendue.
Le changement de rythme est le même pour l’outsourcing. Construire des contrats rigides sur cinq ans n’est plus adapté aux problématiques actuelles. L’enjeu, pour les fournisseurs, est désormais de prendre en compte des périmètres plus réduits sur des durées plus courtes.
Dans le même temps, nous sommes persuadés que le temps des lourds cahiers des charges détaillés est révolu. Comme pour le management, une DSI ne doit pas expliquer le « comment ». Elle doit donner ses objectifs et laisser les fournisseurs lui proposer des solutions. Le challenge est beaucoup plus stimulant. Après tout, une banque ne cherche pas 99,98 % de disponibilité sur ses serveurs. Elle veut des distributeurs de billets qui fonctionnent. En somme, la DSI et son fournisseur doivent s’engager mutuellement sur les enjeux communs et non exclusivement sur des mesures techniques.
La DSI ne doit pas expliquer à son partenaire comment faire son métier mais le challenger pour obtenir des solutions adaptées et innovantes. Le nouveau rôle de la DSI ne doit plus être celui de contrôler tout mais de maîtriser.
Jean-Luc a forgé sa compétence pendant plus de 20 ans dans des fonctions de Direction Générale, opérationnelles et support au sein de sociétés européennes d’outsourcing. Il a mené de nombreuses transformations (fusions, acquisitions, recovery, delivery model, efficacité commerciale…). Son vécu de la transformation et de l’externalisation a étayé sa conviction que le changement s’opère par les hommes et pour l’entreprise. C’est donc tout naturellement qu’il a rejoint le cabinet Talisker Consulting.
Contact : jean-luc.dagron@talisker-consulting.com
À propos de Talisker Consulting
Talisker Consulting est le Cabinet expert qui aide la fonction SI à se positionner vis-à-vis de ses clients pour réussir la transformation digitale de l’entreprise. Les consultants de Talisker Consulting sont convaincus que la réussite de toute entreprise collective est liée à la qualité des relations qui la font vivre et que les systèmes d’informations unissent et nourrissent ces connexions. Talisker Consulting est présent à Paris et à Lyon.