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« La DSI doit apprendre à devenir schizophrène »

Philippe Sersot : la DSI et l'IT bimodale

Quels grands défis pour les DSI en 2016 ? Environnement de travail, IT bimodale, nouveaux usages… Entretien avec Philippe Sersot, directeur général adjoint de Silca, la SSII interne du Crédit Agricole.

Quelles sont, pour vous, les grandes tendances 2016 auxquelles doivent faire face les DSI ?

Philippe Sersot : Je discernerais tout d’abord – et enfin ! – un changement d’approche dans le digital workplace : désormais l’usage prime sur la technologie. Pour les DSI, cela veut dire décoreller les moyens d’accès (les terminaux) des services associés (messagerie, visio-conférence, partage de documents, etc.) : l’utilisateur ne veut pas un terminal sur un bureau, il veut un moyen d’accès à un service. En d’autres mots, on était auparavant dans une logique économique qui voulait que la DSI livre des postes de travail identiques à tous les profils. Ce n’est plus possible aujourd’hui. Sans aller jusqu’au sur-mesure, la DSI doit définir des grands profils d’utilisateurs et adapter les environnements de travail en fonction. Je suis persuadé que – contrairement aux idées reçues – cela ne coûtera pas plus cher puisque, avec des postes de travail unifiés et inadaptés, l’entreprise perd en productivité et donc de l’argent.

Sans aller jusqu’au sur-mesure, la DSI doit définir des grands profils d’utilisateurs et adapter les environnements de travail en fonction.

La second mouvement que j’identifie, c’est l’IT bimodale soit la gestion simultanée du legacy et de l’innovation en mode agile. Pour résumer, il faut réduire les coûts du legacy (à qualité de service constante) pour mieux investir vers de nouvelles applications répondant aux besoins des métiers.

Dès lors, quelles sont les clés pour un management efficace de cette IT à deux vitesses ?

Pour moi, la première clé, c’est la gouvernance. Sans ce pilotage ferme de la DSI, on risque de se retrouver avec deux départements informatiques : un pour le legacy et un qui se consacre au développement des nouvelles applications. Cette séparation représente un danger pour les entreprises. Prenons l’exemple d’un nouveau service bancaire en ligne reposant sur une plate-forme dédiée : il faudra, à un moment ou à un autre, puiser dans le legacy pour obtenir les informations clients les plus pertinentes si l’on souhaite développer ce service. En conséquence, une DSI unique capable de gérer les deux IT est indispensable.

La DSI doit accepter plusieurs modes de fonctionnement avec des profils et des processus très différents.

D’un point de vue managérial, la DSI doit accepter plusieurs modes de fonctionnement avec des profils et des processus très différents. On pourrait dire qu’elle doit apprendre à devenir schizophrène sans pour autant privilégier un pan par rapport à un autre : il est tout aussi important, pour une entreprise, de disposer d’informaticiens dédiés à la gestion du legacy et à son optimisation que de profils qui se consacrent au développement de nouvelles applications en mode agile. Il n’y a pas les “ringards” d’un côté et les “modernes” de l’autre. Tout le challenge de la DSI consiste donc à valoriser différemment ces profils

Quelles technologies allez-vous suivre tout particulièrement cette année ?

Globalement, toutes les technologies qui vont nous permettre de devenir aussi agiles que les entreprises nativement digitales : les plates-formes de virtualisation, les frameworks de développement comme Cloud Foundry, Open Stack, le Cloud hybride, le big data, etc. Concrètement, ces technologies autorisent désormais les applications à gérer elles-mêmes leur résilience comme le fait Netflix par exemple. Elles détectent les pics d’utilisation et s’auto-provisionnent. La DSI ne peut plus s’appuyer sur des infrastructures complexes et chères qui supportent tout le poids du porte-feuille d’applications. Sans oublier un sujet transversal qui reste toujours au centre de nos préoccupations : la sécurité. L’enjeu aujourd’hui, c’est de prendre conscience de nos failles pour réagir le plus rapidement possible.

 

Quelques mots sur Philippe Sersot
Philippe Sersot a travaillé depuis près de 30 ans dans le monde de l’informatique. Tout d’abord dans le service, il a ensuite étoffé ses compétences en chef de projet dans l’industrie (ESSO) puis en management de production chez GE Capital. Il est entré dans le groupe Crédit Agricole en 2000 dans la banque de financement (Crédit Agricole Indosuez) pour mener sa première transformation par la fusion des productions de marché de capitaux et de banque de financement. Depuis 15 ans maintenant, il mène des transformations au sein du groupe Crédit Agricole SA. Il est actuellement DGA de SILCA en charge des opérations. Par ailleurs, Philippe Sersot est président du CRIP.

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