Et si nous n’en étions en réalité qu’aux débuts de la transformation numérique ? Et si les innovations autour de l’expérience client, du digital workspace et des services n’étaient en réalité que des petits pas devant de plus grands bouleversement à venir ?
« Nous voulions des voitures volantes et nous n’avons eu que 140 caractères. » Le mot est de l’ex-PDG de PayPal, Peter Thiel. Il illustre un point de vue de plus en plus répandu parmi les économistes et les experts du numérique : la « transformation digitale » n’a pas encore provoqué de changements majeurs. C’est ce que pense notamment Robert Gordon, économiste à l’université de Chicago. Pour lui, les grandes révolutions de l’ère informatique (le PC, Internet et le Cloud) n’ont pas encore d’équivalent du côté de la transformation digitale. Tout juste assiste-t-on à des « petits pas », comme les portails de services de type Uber ou un nouvel iPhone, mais ils ne provoquent pas de changements économiques majeurs.
Bienvenue dans la phase concrète de la transformation
Côté organisations, quelles sont les conséquences d’un tel constat ? Selon Dan Bieler, analyste chez Forrester Research, le buzz qui entoure la numérisation est passé, mais « cela signifie simplement qu’il est temps de se mettre au travail. De quoi occuper les entreprises pour les dix prochaines années ». En d’autres termes, une fois passé l’effet de mode, la numérisation commence tout juste à entrer dans une phase concrète.
Nous voulions des voitures volantes et nous n’avons eu que 140 caractères.
Bouleverser les organisations de A à Z
« Nous devons remettre en question toutes nos habitudes et, d’une certaine manière, nous réinventer entièrement. Ce n’est pas toujours facile, mais le changement technologique radical en cours rend ce bouleversement de nos organisations impératif », prévient Oliver Reindl, PDG de l’aéroport Cologne-Bonn qui résume l’enjeu en un mot-clé : « numérisation interne ».
40 % des entreprises deviendront obsolètes sur leurs propres marchés dans les dix années à venir.
Dans le secteur de l’automobile, on a bien compris le défi. « Bien sûr, notre cœur de métier consiste toujours à vendre des voitures. Mais à l’avenir, Ford devra transformer la mobilité en valeur monétaire. Par conséquent, l’entreprise tout entière évolue d’une marque automobile à une marque de données, avec des tonnes de gigaoctets de nouvelles informations chaque jour. Ce sont elles qui créent la valeur », déclare Roopak Verma, directeur informatique de la région EMEA chez Ford.
De l’urgence de se transformer
Pour les spécialistes comme le PDG de Cisco, John Chambers, « la numérisation entraîne le plus grand bouleversement technologique et économique de l’histoire ». Par conséquent, « 40 % de nos clients professionnels deviendront obsolètes sur leurs propres marchés dans les dix années à venir ».
Même son de cloche du côté du consultant en stratégie Roland Berger. Selon lui, 62 % des cadres s’inquiètent que leur entreprise ne prenne pas suffisamment au sérieux l’enjeu de la numérisation. Plus inquiétant encore, 56 % des entreprises craignent d’être « déjà bien trop en retard » en matière de transformation digitale. Ce qui n’est pas l’opinion de Ursula Soritsch-Renier, CIO du groupe industriel suisse Sulzer. L’experte préconise une nouvelle approche pour accélérer la transformation : « Par exemple, lorsqu’il s’agit de créer de nouveaux produits, nous devons adopter le point de vue du client et analyser précisément ce qui détermine la valeur réelle du produit selon lui. » Une organisation customer-centric en somme qui implique d’aller jusqu’à une remise en cause complète des modes de management, comme nous le détaillait Jean-Luc Dagron de Talisker Consulting.